Une équipe de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) a démontré l’efficacité d’une molécule peu coûteuse pour lutter contre les souches antibiorésistantes de la bactérie responsable de la gonorrhée et de la méningite à méningocoque. Ces deux infections touchent des millions de personnes dans le monde. Les résultats de cette recherche, dirigée par le professeur Frédéric Veyrier et le professeur Annie Castonguay, viennent d’être publiés en ligne dans le Agents antimicrobiens et chimiothérapie journal.
Résistance aux antibiotiques
Ces dernières années, la hausse des taux de résistance aux antibiotiques a préoccupé l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a célébré la Semaine mondiale de sensibilisation aux antimicrobiens, du 18 au 24 novembre 2020. Cette préoccupation est particulièrement vraie dans le cas de Neisseria gonorrhoeae, pour lequel certaines souches ont développé une résistance à tous les antibiotiques efficaces. Cette bactérie est responsable de la gonorrhée, une infection dont l’incidence a presque triplé au cours de la dernière décennie au Canada. Des souches résistantes de Neisseria meningitidis, responsables de la méningite bactérienne, sont également apparues. Dans le contexte pandémique actuel, les scientifiques sont particulièrement préoccupés par une augmentation de la résistance aux antibiotiques en raison de leur utilisation accrue.
Contrairement à d’autres bactéries, les Neisseria responsables de la méningite et de la gonorrhée évoluent très rapidement en raison de certaines propriétés intrinsèques. Par exemple, ils ont une grande capacité à acquérir des gènes d’autres bactéries. Ils ont également un système de réparation de l’ADN sous-optimal qui conduit à des mutations; une résistance aux antibiotiques peut donc facilement émerger. Le fait que ces maladies touchent de nombreuses personnes dans le monde leur donne également de nombreuses opportunités d’évolution, expliquant pourquoi il est urgent de développer de nouvelles façons de combattre ces bactéries.
Une molécule spécifique
L’équipe de recherche a démontré l’efficacité d’une molécule simple dans des cultures bactériennes et dans un modèle d’infection. Bien connue des chimistes, cette molécule est accessible, peu coûteuse, et pourrait grandement aider à lutter contre ces deux types de Neisseria pathogènes. L’avantage de cette molécule est sa spécificité.
Nous avons remarqué que la molécule n’affecte que les Neisseria pathogènes. Il n’affecte pas les autres types de Neisseria qui se trouvent dans le système respiratoire supérieur et peut être bénéfique. «
Professeur Frédéric Veyrier, INRS
Professeur Frédéric Veyrier, également responsable scientifique de la Plateforme de caractérisation des nanovéhicules biologiques et synthétiques.
Au cours de ses expériences, l’équipe de recherche a testé s’il y avait une éventuelle résistance à la molécule: «Nous avons pu isoler des souches de bactéries moins sensibles au traitement, mais cette résistance était une arme à double tranchant car ces mutants ont complètement perdu leur virulence », explique le microbiologiste.
Pour le moment, l’équipe ne sait pas exactement pourquoi la molécule réagit spécifiquement avec les deux types de Neisseria, mais ils soupçonnent un lien avec la membrane de ces pathogènes. Cette spécificité ouvre la porte à des recherches plus fondamentales pour déterminer ce qui rend une bactérie virulente par rapport à d’autres.
La prochaine étape sera de modifier la structure de la molécule pour la rendre plus efficace, tout en conservant sa spécificité. En parallèle, l’équipe souhaite identifier un partenaire industriel pour évaluer la possibilité de développer un traitement potentiel.
La source:
Institut national de la recherche scientifique – INRS
Référence du journal:
Bernet, E., et coll. (2020) Le tétraphénylborate de sodium présente une activité bactéricide sélective contre N. meningitidis et N. gonorrhoeae et est efficace pour réduire la charge d’infection bactérienne. Agents antimicrobiens et chimiothérapie. doi.org/10.1128/AAC.00254-20.