La recherche de puissants inhibiteurs médicamenteux du coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV-2) est en cours depuis le début de la pandémie de coronavirus 2019 (COVID-19). Le favipiravir, un médicament antiviral contre la grippe, a été indiqué comme une piste potentielle par les chercheurs avec certains rapports cliniques limités mais prometteurs à ce jour.
Le favipiravir est un inhibiteur de l’enzyme ARN-polymérase (RdRp) dépendant de l’ARN dont le mécanisme d’action dépend de la similitude structurelle de la molécule avec les nucléotides puriques. Ainsi, lorsqu’il est incorporé par erreur dans la séquence d’ARN viral, il provoque une terminaison précoce. Le médicament provoque une mutagenèse mortelle dans la grippe, bien que le mécanisme d’action largement applicable lui permette une bonne activité contre certains autres virus.
L’enzyme RdRp joue un rôle essentiel dans la réplication et la transcription du SRAS-CoV-2 tout en étant également absente des cellules humaines, ce qui signifie que le médicament est susceptible d’induire moins d’effets hors cible. Malheureusement, il a été démontré que le médicament nuit au développement du fœtus chez les femmes enceintes et présente de mauvaises propriétés de biodisponibilité, en particulier dans les poumons. De plus, les affinités de liaison entre la forme SARS-CoV-2 de l’enzyme et le favipiravir sont faibles, comme déterminé par in silico des mesures.
Dans une nouvelle étude récemment publiée dans Papiers chimiques par le Dr Amgad Rabie (16 maie, 2021), un dérivé hautement puissant du favipiravir vis-à-vis du SRAS-CoV-2 est conçu et étudié.
Cyanorona-20
Suite à de nombreuses simulations d’amarrage moléculaire avec des bibliothèques de composés de petites molécules similaires au favipiravir (E) -N- (4-cyanobenzylidène) -6-fluoro-3-hydroxypyrazine-2-carboxamide a été identifié, appelé cyanorona-20. Il s’agit d’un portemanteau entre cyano, le principal groupe fonctionnel distinctif que porte la molécule, et le coronavirus. L’aspect majeur du médicament reste le puissant échafaudage antiviral du favipiravir, les composants modifiés servant à améliorer la biodistribution et la biodisponibilité en équilibrant les caractéristiques lipophiles et hydrophiles de la molécule. Cela introduit une plus grande stabilité structurelle et augmente la polarité et la disponibilité des liaisons hydrogène pour une meilleure pénétration membranaire et une meilleure interaction avec les protéines.
In silico la modélisation a suggéré que le cyanorona-20 interagirait de la même manière que le favipiravir avec le ribofuranosyl-5′-triphosphate (RTP). Ce fragment sucre active le médicament à l’intérieur du corps et lui permet d’être incorporé dans la séquence d’ARN. Ce complexe est alors capable d’interagir avec l’enzyme RdRp au site actif Asp760, empêchant ainsi une transcription ultérieure par cette enzyme. L’affinité du cyanorona-20 envers ce site est supérieure à celle observée dans le favipiravir en raison de la fonction cyano, qui induit une instabilité sévère du résidu RdRp par encombrement stérique.
Cyanorona-20 a été synthétisé à partir du favipiravir passant par la réaction de condensation avec le 4-cyanobenzaldéhyde à des concentrations équimolaires en présence d’acide acétique et en tant que tautomère favorise la forme énol dans des conditions aqueuses. In vitro des tests comparant le médicament au favipiravir et à quatre autres candidats (GS-441524-TP, arbidol, remdesivir et hydroxychloroquine) dans des cellules Vero E6 ont démontré que des concentrations efficaces beaucoup plus faibles étaient nécessaires pour inhiber avec succès la prolifération du SRAS-CoV-2, avec une CE50 de seulement 0,45 μM contre 94 et 20 μM pour le favipiravir et le remdesivir, respectivement. La concentration requise pour une inhibition virale efficace à 100% était également la plus faible des cinq composés testés, à 1,4 μM, tandis que la concentration à laquelle la mort cellulaire s’est produite était bien supérieure à 100 μM.
L’auteur souligne que le médicament très hautement toléré doit être sans danger pour l’homme, tandis que les concentrations infimes nécessaires pour supprimer la réplication du virus sont très prometteuses. Il est également indiqué que le mécanisme amélioré d’inhibition de la molécule par rapport au favipiravir peut réduire le risque de développement d’une résistance dans le SRAS-CoV-2, car les caractéristiques conformationnelles des protéines virales sont essentielles à la réplication fonctionnelle et donc peu susceptibles de s’altérer de manière significative.
Cependant, le mécanisme d’action complet derrière l’inhibition du SRAS-CoV-2 par le cyanorona-20 reste à élucider, avec six voies possibles suggérées qui peuvent agir indépendamment ou simultanément: une mauvaise incorporation dans les brins d’ARN, empêchant un allongement supplémentaire; évasion de la relecture des protéines virales, réduisant la production d’ARN; liaison compétitive aux domaines de polymérase conservés, bloquant la transcription; induction de la terminaison de chaîne dans RdRp; ou mutagenèse létale, abaissant la capacité du virus.