Des chercheurs de l’Université de Kumamoto, au Japon, ont découvert qu’un composant dérivé de l’huile essentielle de curcuma, la turmérone aromatique (ar-turmérone), et ses dérivés agissent directement sur les nerfs dopaminergiques pour créer un effet neuroprotecteur sur les cultures tissulaires d’un modèle de la maladie de Parkinson. Cela semble être dû à une puissance antioxydante cellulaire accrue due à l’activation de Nrf2. Les chercheurs pensent que les dérivés de l’ar-turmérone identifiés dans cette étude peuvent être utilisés comme nouveaux agents thérapeutiques pour la maladie de Parkinson.
La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative causée par la mort sélective des neurones dopaminergiques qui transmettent des informations de la substance noire du mésencéphale au striatum, ce qui entraîne une diminution de la production de dopamine. Les symptômes comprennent des tremblements des membres, une immobilité, une rigidité musculaire et d’autres troubles du mouvement. Des traitements, tels que des suppléments de dopamine, sont actuellement disponibles mais il n’existe toujours aucun moyen d’inhiber la neurodégénérescence dopaminergique.
Des études antérieures ont rapporté que la réponse inflammatoire provoquée par l’activation de la microglie (cellules responsables de la fonction immunitaire dans le cerveau) est observée dans la substance noire du mésencéphale des patients atteints de la maladie de Parkinson. D’autres expériences conçues pour imiter l’état in vivo du mésencéphale (culture de tranches de mésencéphale) ont révélé que l’activation microgliale déclenche la dégénérescence sélective des neurones dopaminergiques dans la substance noire, et que l’oxyde nitrique (NO) dérivé de la microglie activée est impliqué dans la neurodégénérescence. Ces résultats suggèrent que les composés ayant des effets anti-inflammatoires sur la microglie peuvent supprimer la dégénérescence dopaminergique.
Ainsi, les chercheurs ont analysé la tumerone aromatique (ar-turmerone), un composant majeur de l’huile essentielle de curcuma qui aurait des effets anti-tumoraux et anti-inflammatoires sur la microglie. Ils ont utilisé la lignée cellulaire microgliale BV2 et des cultures de tranches de mésencéphale pour 1) déterminer si l’ar-turmérone supprime la neurodégénérescence dopaminergique grâce à ses effets anti-inflammatoires, et 2) identifier des composés structurellement similaires (dérivés) qui pourraient avoir des effets anti-inflammatoires et neuroprotecteurs plus forts.
L’ar-turmérone a un carbone asymétrique (S-Tur). Les chercheurs ont donc préparé huit analogues et tenté d’identifier ceux ayant des effets anti-inflammatoires plus puissants. Ils ont utilisé les effets inhibiteurs sur la réponse inflammatoire induite par l’activation stimulée par les lipopolysaccharides (LPS) des cellules BV2 comme indicateur. Les analogues ayant des effets anti-inflammatoires plus forts que le S-Tur étaient la (R)-ar-turmérone (R-Tur), l’ar-atlantone (Atl) et l’analogue 2 (A2).
Pour examiner si ces composés, y compris S-Tur, ont un effet inhibiteur sur la dégénérescence dopaminergique, les chercheurs ont ensuite observé des cultures de tranches de mésencéphale dans lesquelles l’activation microgliale était induite par l’interféron-γ et la stimulation du LPS (IFN-γ/LPS). Les quatre composés ont supprimé de manière significative une diminution du nombre de neurones dopaminergiques induite par l’IFN-γ/LPS. Cependant, la production de NO, qui est libérée de la microglie activée et est impliquée dans la neurodégénérescence dopaminergique, n’a pas du tout été inhibée. De plus, trois composés, S-Tur, Atl et A2, ont inhibé la dégénérescence dopaminergique induite par MPP+, une toxine qui endommage sélectivement les neurones dopaminergiques indépendamment de l’activité microgliale. Ces résultats indiquent que S-Tur et ses dérivés, Atl et A2, ont un effet direct sur les neurones dopaminergiques et présentent des effets neuroprotecteurs. De plus, une analyse utilisant des lignées cellulaires progénitrices dopaminergiques et des cultures de tranches de mésencéphale a révélé que les effets neuroprotecteurs d’Atl et A2 sont médiés par l’activation de Nrf2, un facteur de transcription qui améliore la puissance antioxydante des cellules.
Notre étude a élucidé un nouveau mécanisme par lequel l’ar-turmérone et ses dérivés protègent directement les neurones dopaminergiques mésencéphaliques, indépendamment de leurs effets anti-inflammatoires précédemment rapportés sur la microglie. Nous avons montré que deux dérivés, Atl et A2, présentent des effets neuroprotecteurs en augmentant l’expression de protéines antioxydantes grâce à l’activation de Nrf2. En particulier, l’analogue A2 identifié dans cette étude est un puissant activateur de Nrf2 et est supposé avoir un fort effet antioxydant. Nous pensons qu’il est possible que ce composé soit un nouvel agent neuroprotecteur dopaminergique pour le traitement de la maladie de Parkinson, et qu’il puisse également être utilisé pour traiter d’autres maladies causées par le stress oxydatif, telles que les maladies du foie et des reins. »
Takahiro Seki, Professeur agrégé, Université de Kumamoto
Cette recherche a été mise en ligne dans Cellules le 3 mai 2021.